Enfance, imaginaire, monstre, famille, meurtre, secret...
Chicago, fin
des années 1960. Karen Reyes, dix ans, est une fan absolue des fantômes,
vampires et autres morts-vivants. Elle se voit d'ailleurs comme un petit
loup-garou : d'après elle, dans ce monde, il est plus facile d'être un monstre
que d'être une femme. Un jour de Saint Valentin, au retour de l'école, Karen
apprend la mort de sa belle voisine, Anka Silverberg, une survivante de
l'Holocauste. Elle décide alors de mener l'enquête et va vite découvrir
qu'entre le passé d'Anka au coeur de l'Allemagne nazie, son quartier en pleine
ébullition et les drames qui, tapis dans l'ombre de son quotidien, la guettent,
les monstres bons ou « pourris » sont des êtres comme les autres, complexes,
torturés, fascinants.
Commentaire:
Ce roman
graphique est un chef d’œuvre ! Et pourtant, la première fois que je l’ai
vu en librairie, j’ai été presque rebutée par la couverture et par les quelques
pages feuilletées. Grosse erreur de ma part quand, après l’avoir emprunté à la
bibliothèque, j’ai commencé à le lire, puis à scruter attentivement les
planches. C’est époustouflant ! L’intrigue tourne d’une petite fille Karen
qui vit à Chicago en 1968, elle partage sa vie avec sa mère et son frère qu’elle
adore et qui lui a fait découvrir la peinture.
Elle adore les
films et les magazines d’horreur, passe son temps à en redessiner les couvertures,
elle est rejetée par ses camarades d’école, se rêverait en monstre pour pouvoir
se rebeller, venger les humiliations qu’elle subit. Et puis il y a sa voisine
du dessus : Anka silverberg, une juive allemande rescapée de la Shoah et
qu’on retrouve assassinée. Karen se lance dans une enquête, grâce au mari d’Anka,
elle écoute des cassettes enregistrées par cette dernière qui raconte sa vie en
Allemagne : dominée, exploitée par des hommes pervers, humiliée, stigmatisée
parce que juive et déportée… Une longue litanie de malheurs qu’écoute cette
petite fille en cachette. Car derrière ses airs bravaches, c’est encore une
petite fille confrontée à la tristesse de son grand frère, à la maladie de sa
mère et à un secret familial.
Ce roman graphique
développe plusieurs thèmes comme l’enfance, la violence de la société (celle
vécue par Karen mais aussi celle vécue par Anka), la figure du monstre (pour
Karen, tous ceux qui la blessent ou la rejettent sont des monstres) , la
sexualité qui définit chacun d’entre nous (Karen aussi jeune soit-elle sait
déjà qui elle aime), la famille (Deeze le frère est un personnage ambivalent,
repère essentiel pour Karen, qui cache des secrets).
Visuellement c’est
superbe, chaque planche révèle les multiples inspirations de l’auteur : j’ai
beaucoup aimé les pages consacrés à la découverte d’un musée L’Art Institute
dans lequel se promènent Karen et Deeze son frère. Ils s’arrêtent notamment
devant le tableau de Georges Seurat « Un
dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte » et quand on regarde
de plus près, on s’aperçoit qu’Emil Ferris a dessiné les visages de Karen et
Deeze à la manière de Seurat.
Plus loin, l’auteur évoque la déportation des
juifs et leur transport dans ces wagons infâmes : la double planche
muette est à la fois tragique, empreinte
de dignité et de résignation.
Je pourrais évoquer encore d’autres planches
mais ce serait dommage de tout dévoiler. Je vous conseille donc de vous
précipiter sur ce roman graphique de 416 pages qui vous laissera pantois.
Je mets 5 chats
car c’est un coup de cœur pour moi.
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