mardi 17 avril 2018

L'enfant et le dictateur

" Si vous ne pouvez pas vous occuper de vos enfants, l'État s'en chargera. " La devise du régime de Ceausescu a envoyé des milliers d'enfants dans des mouroirs. Marion était l'un d'eux.
1989. En pleine révolution roumaine, les télévisions du monde entier révèlent la face la plus noire de l'univers concentrationnaire du régime communiste de Nicolae Ceausescu. Un choc. Devant les caméras, des enfants se balancent, hagards, derrière les barreaux de leurs lits crasseux. Les plus malades sont aux portes de la mort.
Marion est née de cette dictature. Abandonnée par sa mère alors qu'elle n'a pas encore un an, elle est placée dans un orphelinat de Ceausescu. Car le dictateur interdit l'avortement, réprime la contraception et force les naissances. Son but : peupler son pays au forceps d'une politique nataliste redoutable dont la formule " Si vous ne pouvez pas vous occuper de vos enfants, l'État s'en chargera " en dit long sur ses intentions.
Cette histoire est celle de Marion. Une quête d'identité, une recherche de soi après une enfance amputée. Adoptée à l'âge de six ans par un couple de Français, Marion n'a eu de cesse de retrouver ses parents biologiques et de se reconstruire.




Commentaire:


En 1966, le Penseur du Danube ou le Génie des Carpathes –comprenez Ceausescu- fait voter un décret 770 qui interdit l’avortement sauf dans des cas extrêmes. Son obsession est d’obliger les femmes  à avoir des enfants, 4 au moins : « la population roumaine devra atteindre 25 millions en 1990 et 30 millions en 2000. » Dans les faits, ce sera un fiasco mais en attendant quand une jeune fille se retrouve enceinte et qu’elle ne peut subvenir aux besoins de l’enfant, elle peut l’abandonner car « L’Etat se charge de tout ». C’est ainsi que Maria née des amours illicites d’Ana et de Nicolae ; est abandonnée et conduite dans un de ses orphelinats qui seront révélés plus tard après la chute des Ceausescu. Les caméras montreront des images terribles d’enfants livrés à eux-mêmes, grandissant sans soins, sans hygiène et surtout sans aucune manifestation d’amour ou même d’empathie. La petite Maria a eu la chance immense de pouvoir être adoptée par un couple de français qui est venue la chercher en 1982. Sans eux, que serait-elle devenue ? D’autant que ce n’est pas parce qu’elle a été adoptée que sa vie est devenue un long fleuve tranquille. Comment se construire quand on n’a connu que l’abandon, l’indifférence de femmes quand ce n’est pas leur colère et leur méchanceté ? Comment s’ouvrir aux autres, aller à l’école quand on ne vous a jamais rien appris ? Il faudra beaucoup d’amour de la part de ses parents, et beaucoup de force de sa part pour permettre à Maria rebaptisée Marion de devenir une personne équilibrée. Ce chemin personnel passera aussi par des voyages en Roumanie pour percer le secret de sa naissance, retrouver et entendre celle qui l’a abandonnée, faire sa connaissance ainsi que celle de son père. Au bout de ce chemin, une certitude : venir en aide à tous ceux et celles qui ont connu le même drame qu’elle.

 Je remercie les éditions Belfond et Netgalley de m’avoir fait découvrir ce témoignage terrible d’une enfant broyée par un système politique effarant. En obligeant les roumaines à multiplier les grossesses, Ceausescu rêvait à l’émergence d’un nouvel homme communiste et donc d’une société neuve. Il a surtout contribué à la dépopulation de son pays, à l’édification d’un système crapuleux puisque des milliers d’enfants ont été vendus à l’étranger par ceux et celles qui étaient censées s’occuper de ces enfants abandonnés.  L’Etat s’occupe de tout… quelle ironie !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire