Meurtre, esclavage,violence, racisme, manipulation...
Pour la première fois, Frannie doit raconter son histoire. Elle nous parle de sa jeunesse dans une plantation de canne à sucre en Jamaïque, où elle a été le jouet de chacun : de sa maîtresse, qui s’est piquée de lui apprendre à lire tout en la martyrisant, puis de son maître, qui l’a contrainte à l’assister sur nombre d’expériences scientifiques, plus douteuses les unes que les autres. Elle nous parle de son arrivée à Londres, où elle est « offerte » aux Benham, comme un vulgaire accessoire, de son amitié avec la maîtresse de maison, de leur même appétit pour la lecture, la culture. De leur passion…
Elle se dévoile pour tenter de se souvenir de cette terrible nuit, qui lui échappe complètement. Mais une question la ronge sans cesse, comment aurait-elle pu tuer celle qu’elle aime?
Commentaire:
Je remercie
tout d’abord les Editions Belfond et Netgalley de m’avoir permis de découvrir
ce roman palpitant à plus d’un titre.
Quand le roman commence, Frannie Langton est
en prison déjà reconnue coupable aux yeux de la société anglaise du double
meurtre dont on l’accuse. Cette mûlatresse a été retrouvée dans le lit de sa
maîtresse les mains rouges de sang et la seule chose qu’elle accepte de dire c’est
qu’elle ne se rappelle pas de ce qui s’est passé. En attendant son procès, Frannie
écrit ses confessions. Car elle n’est pas une sauvage sans âme comme on se
plaît à la présenter, elle est instruite et cultivée. Elle est née en Jamaïque,
propriété d’un couple infâme, les Langton, et si elle a reçu une instruction,
ce n’est pas par bonté d’âme de leur part mais pour suivre un plan concocté par
M. Langton. Peut-on instruire un noir ? Et si oui, qu’est-ce cela veut
dire de leur nature ? En grandissant, Frannie va servir Langton de la plus
ignoble des façons : il se targue d’être un scientifique et il étudie les
corps des esclaves morts (et même vivants d’ailleurs), cherchant à déterminer
ce qu’ils sont. Des expériences répugnantes dont Frannie est le témoin mais
aussi la complice. Quand la grange dans laquelle se déroulent ces expériences
brule, la femme de Langton en profite pour se débarrasser du mari. Le voilà de
retour en Angleterre avec dans ses bagages Frannie, qu’il laisse aux bons soins
des Benham. Installé dans la maison du couple, en proie à la méchanceté d’une
gouvernante qui ne voit en elle qu’un suppôt de satan, Frannie devient la « dame »
de compagnie de Mme Benham dont elle s’éprend. Frannie se retrouve alors le
jouet d’une femme mariée insatisfaite de sa vie et d’un mari, se posant en
homme de bien, alors qu’il n’est qu’un hypocrite de la pire espèce. Dans ces
conditions, elle ne peut rien contre la tragédie qui va se manifester sous ses
yeux. Qu’importe la vérité, Frannie est la coupable parfaite pour une société
figée dans ses certitudes bien pensantes.
Ce n’est pas
une lecture facile car la vie de Frannie n’est qu’une suite de maltraitances,
de violences, de trahisons. On l’exploite, on la manipule, on la juge, on lui
accorde des miettes d’attention, on la rejette… On a envie de hurler avec elle
contre ces blancs qui ne la voient que comme un objet et non un être humain. Ce
qui est terrifiant c’est cette pensée partagée par Langton et Benham que les
noirs sont inférieurs, qu’on pourrait certes abolir l’esclavage mais que pour
autant, on ne peut les laisser vivre comme ils le souhaitent et leur accorder
leur libre arbitre. Une manière comme une autre de justifier le colonialisme et
l’exploitation de milliers de gens. Le roman m’a certes secouée mais je le
recommande.
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